Succès
intemporel
Avec
le temps, La javanaise, La mer, Comme d’habitude, La bohème, La
vie en rose, Les copains d’abord, Les feuilles mortes, Ne me quitte
pas…Fierté
du répertoire français et également fleuron d’un marché
industriel coté en bourse, ces neuf chansons font partie chaque
année des oeuvres les plus exportées. Elles sont des classiques,
des « standards». Le public les connaît et connaît leur
interprète principal, reprend leurs paroles en choeur. Elles
ont traversé les années et sont présentes autour de nous, quelle
que soit la mode.
Cette
longévité même est une des raisons de notre identification. Un
classique de la chanson est un miroir de notre vie, le décor d’une
époque, d’une société, un commentaire
permanent à l’existence (Boris
Vian).
Miroir
qui embellit, il fait partie de l’inconscient collectif et jalonne
nos souvenirs. Son écoute répand un parfum mélancolique qui fait
recouvrer la mémoire. L’espace d’un moment, parents, enfants,
amours, bonheurs, malheurs sont là, dans un halo de nostalgie, et
nous sommes reconnaissants de revivre un peu de notre passé.
Une
grande chanson est un graffiti sur le mur de l’oubli. Un peu
d’intemporalité dans le quotidien qui
s’enfuit déjà.
Et
pourtant, presque toutes ces oeuvres ont failli être mort-nées. Il
est surprenant de constater que la chance, qui opère entre les
oeuvres une première sélection, impitoyable, leur a d'abord tourné
le dos avant de finir par leur sourire. Depuis, année après
année, l'obsolescence qui arbitre un tri décisif entre
les milliers de candidates au titre de grand chanson les gracie.
Ces neuf titres ont survécu à tout.
Plaisir
du sens, histoire universelle
Pour
écrire une grande chanson, le savoir faire ne suffit pas, ni même
une habileté technique à étourdir les oreilles. Ces neuf
titres ne sont pas qu’une répétition réussie de syllabes.
Sens et forme s’éclairent l’un par l’autre, comme l’esprit
et la matière. Bonheur
de l’oreille, de l’esprit ou du coeur (et parfois des pieds), la
grande chanson est une conversation, un tête-à-tête avec chacun.
Elle est porteuse du plaisir du sens, sans nul besoin de
s’interroger sur la compréhension du sujet ou des images
employées. Elle ne requiert aucun mode d’emploi pour toucher au
coeur.
Elle
donne envie de s’approcher de son intimité, avec respect. Envie
d’étudier son sens, ses procédures de représentation de l’homme
et du monde, envie d’en savoir plus sur son auteur, sur son
interprète. Oui leur passé, leur chair, leur mythologie
personnelle, éclairent significativement les raisons de la tendresse
que la chanson inspire.
Chacun
s'identifie. Son auteur a l'apparence sincère. Il s’expose
à travers son texte, il semble écrire ce qui lui chante, comme il
l’entend, honnête à l’impulsion créatrice qui le guide,
commencée pour lui même. Orfèvre du son et de l’expression,
il transmute ses émotions en sensations partagées par
des détails au fort pouvoir de suggestion. C'est dans ces
grands petits riens que l'on se reconnaît le plus.
Chacune
des neufs chanson est l témoignage d’un être mais aussi d'une
civilisation, d’une époque.
Par-delà
l’intérêt des mises en perspective artistiques ou socio
culturelles, avant tout, elle est objet de plaisir. Ou plutôt de
plaisirs, distincts selon les moments du jour, de la saison, de la
vie.
Une
grande mélodie
Le
texte n'est pas plus important que la mélodie. Si l'on trouve l'un
sans l'autre, l'oeuvre n'est "juste que" une bonne
chanson.Les grandes chansons ont de grandes mélodies qui, même
quand elles sont reprises en anglais ou toute autre langue, avec un
texte et un sujet différents, séduisent un nouveau public et de
nouveaux interprètes.
Une
virtuosité littéraire ?
Si
chacune de ces neuf grandes chansons est une leçon d’écriture, le
ton reste immuablement celui d'une conversation.
Dont
on salue les qualités linguistiques, la créativité de sa langue,
l’adéquation du sens et de la musicalité, le regard singulier
porté sur le sujet. Echos, contrastes, jeux de symétries, chaque
consonnes sonne, rien ne semble être là par hasard dans un ensemble
de mots ordonnés qui allie à sa manière instinct et savoir, délire
et rigueur.
Tous
les témoignages des grands « hommes de paroles » concordent sur
l’énorme somme de travail qu’ils ont fourni, au quotidien.
D'abord le travail de se cultiver car la plupart d'entre eux n’ont
pas été remarquables lors de leur scolarité, loin de là.
Brillants autodidactes, ils n’ont jamais joué à l'artiste
maudit qui "préfère ne rien savoir" au nom de la
créativité, au contraire. Les grands auteurs connaissent
parfaitement notre langue, sa grammaire. Au quotidien , ils
retravaillent leurs textes. « Le
talent c’est du travail qui ne se voit pas ». J.
Brel. Le génie lui même ne sort pas l’art de sa manche à la
demande.
Le
grand auteur transgresse les règles là où les autres commettent
une erreur. Une grande
chanson
détourne les règles du genre, celles qu’il faut connaître avant
de pouvoir en dépasser les limites et les contourner, les règles
qui font la différence fondamentale entre l'émouvante maladresse
d'un dessin d’école maternelle et un Picasso.
Quelles
règles ?
(A
suivre)
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