Serge
Gainsbourg est venu me voir, nous avons dîné ensemble et le
surlendemain, il m’apportait «La Javanaise». Juliette
Gréco. Nous sommes en été 1962, à l’époque Gainsbourg se bat
pour gagner
sa vie mais son succès ne dépasse pas un petit cercle de branchés.
Le 5 janvier 1963 il enregistre à Londres quatre titres, parmi
lesquels La
javanaise.
Pas de succès à la sortie du titre en 1963, ni pour Greco ni pour
Gainsbourg. Aujourd’hui elle est la chanson de Gainsbourg qui
rapporte le plus de droits d’auteur.
Sur
un tempo de valse, le personnage principal s’adresse à un ancien
amour, évoque leur histoire symbolisée par une danse, la javanaise.
Tout est élégant : le vouvoiement, les expressions : Ne vous
déplaise / de vous a moi. Les
allitérations en V
des
couplets, exemplaires : AVant
d’aVoir eu Vent de Vous. (Dans
le javanais, l’argot des voyous, on répète les J,
V, N). Le
titre pourrait être un hommage à Boris Vian, que Gainsbourg adore,
qui a écrit la Java
javanaise.
Pas
encore de références anglo-saxonnes dans les paroles, ni de voix
plus parlée que chantée, façon Gainsbarre.
Les
rimes sont impeccables, précises, strictes, classiques. Les e
sont
accentués à la rime : Ne
vous déplai-SE. La
métrique irrégulière montre que les paroles ont été écrites
après la musique : Couplet 8 + 3 + 8 + 3 syllabes. Refrain 5 + 8 + 4
+ 6 syllabes. Le titre est cité quatre fois (une fois par refrain).
La chanson est courte, 2mn26, mais le texte laisse toute sa place à la suggestion.
1962
Serge Gainsbourg (Ed. Warner Chapell)
J’avoue
j’en ai bavé pas vous mon amour / Avant d’avoir eu vent de vous
mon amour / Ne vous déplaise / En dansant la Javanaise / Nous nous
aimions / Le temps d’une chanson
À
votre avis qu’avons-nous vu de l’amour ? / De vous à moi vous
m’avez eu mon amour / Ne vous déplaise / En dansant la Javanaise /
Nous nous aimions / Le temps d’une chanson
Hélas
avril en vain me voue à l’amour / J’avais envie de voir en vous
cet amour / Ne vous déplaise
En
dansant la Javanaise / Nous nous aimions / Le temps d’une chanson
La
vie ne vaut d’être vécue sans amour / Mais c’est vous qui
l’avez voulu mon amour / Ne vous déplaise / En dansant la
Javanaise / Nous nous aimions / Le temps d’une chanson
Serge
Gainsbourg
(Paris 2 avril 1928 - Paris 2 mars 1991)
Il
semblerait que les chanteurs n’aiment pas le prénom Lucien. Le
vrai nom de Serge Gainsbourg est Lucien Ginzburg et Lucien est aussi
le vrai prénom de Laurent Voulzy. Lucien donc, a souffert d’avoir
été un enfant juif pendant la guerre, souffert aussi de se trouver
laid.
Fils
de musicien (comme Nougaro et Piaf, fils de chanteur, de chanteuse),
son père lui a enseigné le métier de pianiste de bar. Musique
classique, jazz, chanson, Gainsbourg sait tout jouer.
Les
débuts sont difficiles. Même La
Ballade de Melody Nelson,
aujourd’hui disque culte, se vend peu et Gainsbourg arrête la
scène en février 1965, lassé de l’indifférence du public. Son
absence des planches durera 14 ans !
Il
reprend confiance avec le succès qui vient peu à peu. D’abord
celui des artistes qui l’interprètent, telle France Gall qui
gagne l’Eurovision en 65 avec Poupée
de cire poupée de son.
Persuadé
qu’il ne peut pas se permettre de laisser indifférent, le
chanteur, réalisateur, mais aussi photographe, peintre, écrivain,
aura usé de nombreuses provocations, plus ou moins féroces. Depuis
le slogan de l’affiche de son spectacle au Casino de Paris : 140
francs devant, 110 francs derrière, à
la crémation en direct à la télé d’un billet de 500 F ou aux
insultes à Catherine Ringer, à Guy Béart… il alterne agressivité
et paroles attendrissantes. De
toutes façons, moi, j’ai pas d’idées, j’ai des associations
de mots, comme les surréalistes. Une carence d’idées qui cache un
vide absolu, un sous vide, c’est vrai !
Véritable
usine à tubes, Gainsbourg écrit environ 650 paroles de chansons et
presque autant de preuves qu’il est possible de concilier art et
argent, passion et commerce.
Chacun
de ses textes dégage une vraie musicalité et peut être lu seul.
D’une grande culture artistique, l’homme ne se contente pas
d’utiliser une technique impeccable, il déteste avoir la sensation
de se répéter. Il risque, invente des mots
(L’anamour), des
sons, des formules, réussit des métissages musicaux avec le jazz,
funk, reggae, afro-cubain, rap et meurt avant l’enregistrement
prévu d’un nouvel album à La Nouvelle-Orléans avec les Neville
Brothers.
Le
2 mars 199, il oublie (?) sa pilule pour le coeur, comme l’avait
fait son idole Boris Vian le 23 Juin 1959.
Bonjour,
RépondreSupprimerMerci beaucoup pour votre article.
Un autre grand poète de la chanson française est claude nougaro.
A ce titre, je vous recommande vivement de visiter le site de ce tout nouveau groupe qui a pour projet "nougaro les mots" et qui reprend une quinzaine de chansons du poète.
Pour connaître leur agenda et écouter quelques enregistrements, n'hésitez pas à aller sur leur site consacré à nougaro
Bien musicalement !